Depuis quelques années, l’alimentation ancestrale est en vogue dans le monde anglo-saxon. Elle y représente une alternative qui tranche net avec la diète occidentale moderne ou les régimes végétaliens à la mode. Elle est portée par différents courants : animal-based diet, diète carnivore, alimentation « Weston Price », diète Atkins, diète Sapiens, régime Paléo etc. En France, le Dr. Seignalet prétendait déjà poser les bases d’une alimentation originelle et ancestrale avec son « régime Seignalet, l’alimentation hypotoxique »… qui était très loin d’être hypotoxique et probablement assez éloigné de l’alimentation des premiers hommes. Nous y reviendrons dans cette série.
On le voit : l’alimentation ancestrale n’est pas un modèle unique. C’est un cadre dans lequel prétendent se placer différentes diètes qui ont un point commun :
Vouloir être cohérentes avec l’évolution de l’espèce humaine et de ses habitudes alimentaires durant les centaines de milliers d’années qui ont façonné notre ADN
Alors, c’est quoi, l’alimentation ancestrale ? Quelles en sont les promesses qui expliquent cet engouement nouveau ?
Passionné par ce sujet, je vous emmène à la découverte de l’Histoire de notre espèce, homo sapiens, et de ses ancêtres. Sur ce chemin, vous découvrirez le secret de leur santé de fer : une alimentation en adéquation avec notre génétique, qui permet à celle-ci d’exprimer son véritable potentiel de vie, de santé, de performance, et de guérison. Prêt pour le voyage ? Alors en marche !
L’alimentation de nos plus lointains ancêtres
Plus on remonte le temps, plus les certitudes s’estompent. Au-delà de 4 ou 5 millions d’années avant notre ère, les anthropologues naviguent dans un brouillard épais. Il y a bien quelques fossiles de petits primates qui peuvent s’apparenter à des hominidés, mais aucune certitude quant à savoir si ce sont nos ancêtres ou des lignées avortées de l’Histoire.
Le premier ancêtre de l’homme sur lequel s’accordent les spécialistes, c’est l’Australopithèque. Le genre australopithecus, aujourd’hui éteint, regroupait plusieurs espèces : afarensis, africanus et d’autres. C’est Australopithèque qui a donné naissance au genre homo, dont nous sommes les ultimes descendants.
Les études trophiques s’appuient sur différentes méthodes pour déterminer le mode alimentaire d’australopithèque. Ainsi, notre ancêtre lointain était un omnivore très diversifié. Un généraliste. Son alimentation se composait d’un mélange de viande de petits animaux et d’insectes, de fruits et de feuilles fibreuses d’arbres, de buissons ou d’herbages ainsi que tubercules ou « organes de stockage souterrain de plantes », c’est-à-dire de « légumes-racines » [1] .
La saisonnalité et la rareté temporaire de certains aliments exerçaient probablement une énorme influence sur ses habitudes alimentaires. D’après les chercheurs, la viande de petites proies et les fruits sucrés étaient les aliments préférés des premiers hominidés. Les autres aliments étaient pour eux des aliments « de survie ». Ils se rabattaient sur ceux-ci lorsqu’ils ne trouvaient pas leurs aliments préférés. [2] [3] Australopithèque aurait déjà amorcé une transition alimentaire, du moins concernant les aliments de survie, en remplaçant de plus en plus les herbages et les feuilles par des tubercules et autres racines.
Alimentation diversifiée et développement du cerveau : la théorie des tissus couteux
Il va sans dire que maintenir une haute efficacité digestive pour une telle diversité alimentaire nécessite un système digestif incroyablement complexe et énergivore.
Selon la « théorie des tissus couteux », le maintien d’un système digestif aussi complet est incompatible avec un développement accru du cerveau. En effet, le système digestif et le système nerveux (cerveau et ses ramifications) sont les deux parties les plus exigeantes en énergie et en nutriments. Le maintien d’une capacité digestive aussi complète entre en concurrence directe avec le développement du cerveau. La capacité à digérer efficacement les fibres est particulièrement couteuse à maintenir et nécessite énormément de tissu digestif. Gros appareil digestif, petit cerveau, en résumé.
Australopithèque possédait un cerveau de 450cm3, ce qui représente environ 1,3% de son poids corporel. Aujourd’hui, l’homme moderne, homo sapiens, possède un cerveau d’environ 1350cm3 pour 2.2% de son poids corporel. Vous serez surpris d’apprendre qu’il y a quelques dizaines de milliers d’années, homo sapiens possédait un cerveau de 1500 à 1600cm3. Nous reviendrons sur cela et les causes probables de cette régression.
Ces concepts sont très importants à retenir car ils sont directement impliqués dans la naissance et l’évolution du genre homo. En effet, la spécialisation alimentaire hypercarnivore a permis le développement du cerveau et l’amélioration des aptitudes de chasseur, dans une sorte de boucle auto-renforcée. C’est le thème du prochain article dans la série.
En résumé
Lucy l’australopithèque évoluait principalement dans les forêts chaudes. Elle y chassait de petits animaux et insectes. Elle trouvait dans son environnement des fruits sucrés, principalement sur les arbres et les buissons. Lorsque la saison et d’autres facteurs rendaient ses aliments de prédilection trop rares, elle assurait sa survie en consommant des organes souterrains de végétaux (USO) tels que des tubercules ou des racines, ou des feuilles et des herbages, priorisant probablement les plus tendres d’entre eux. Ces aliments de survie représentaient en général une part encore importante de son alimentation.
Dans le deuxième article de cette série sur l’alimentation ancestrale, nous parlerons de la naissance du genre homo, de son évolution par la spécialisation alimentaire hypercarnivore et de sa lutte pour la survie jusqu’à l’ascension au sommet de la chaîne alimentaire. Je parlerai aussi de notre cousin déchu, le Paranthrope, végétalien de la Préhistoire, dont la lignée s’est éteinte.
Sources
[1] Balter, Vincent et al. “Evidence for dietary change but not landscape use in South African early hominins.” Nature vol. 489,7417 (2012): 558-60. doi:10.1038/nature11349
[2] Sponheimer, M, and J A Lee-Thorp. “Isotopic evidence for the diet of an early hominid, Australopithecus africanus.” Science (New York, N.Y.) vol. 283,5400 (1999): 368-70. doi:10.1126/science.283.5400.368
[3] Laden, Greg, and Richard Wrangham. “The rise of the hominids as an adaptive shift in fallback foods: plant underground storage organs (USOs) and australopith origins.” Journal of human evolution vol. 49,4 (2005): 482-98. doi:10.1016/j.jhevol.2005.05.007
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